LE TROU
Le rêve du 22 juillet 2013
« Je perds ma chaussure blanche en montant un escalier en colimaçon et en béton, en extérieur.
Au 1ier étage , un poste de police. Les policiers, aimablement, m’autorisent à ramasser ma chaussure.
Je redescends l’escalier vers une grande place en étoile à cinq rues en pavés gris.
C’est la tombée de la nuit.
Je vois ma mère courir vers une rue. Elle ressemble à une petite boule noire sur le bitume. Elle s’accroupit.
Je m’approche, elle me sourit. De plus près, je la vois toujours accroupie, dans une flaque d’eau qui a creusé un trou de quelques centimètres.
Je saute dans ce trou qui devient à cet instant d’une profondeur d’1m80. L’eau m’arrive aux genoux.
Maman prend une pierre qu’elle tient sous mes pieds pour m’aider à sortir.
Soudain 2 hommes, en pardessus du genre policier ou gangster, sont au-dessus du trou.
Un des hommes tient un révolver pour me tirer dessus.
Je me réveille. »
Le jour même, j’imêle mon rêve à ma mère et lui demande qui peuvent bien être ces deux hommes ?
Elle me répond qu’elle n’en sait rien et de ne pas m’inquiéter, personne ne veut me tuer.
Quelques jours plus tard, je décide que ces 2 hommes sont les 2 simplets que j’avais peints 15 ans plus tôt en forme de monolithe.
le 13/10/2013
Après plusieurs essais pour ce couple de racailles, je décide de les dessiner dans une ellipse, puis de les réduire, les transformer ainsi en pensée, en rêve, en virtuel.
Ensuite, je décide de les faire sortir du tableau.
le 20/10/2013
Finalement, je n’ai rien fait sur les 2 loubards, je réfléchis encore.
Pour les corps de la mère et de la fille, je choisis ocre jaune, terre de sienne brûlée, blanc et bleu de cobalt.
le 21/10/2013
Je décide de les effacer du tableau et de les refaire sur un autre support très fortement encadrés.
Pour cela, je dessine un second couple plus grand, sur mon tableau blanc, et j’utilise le même calque que pour le premier petit couple.
le 22/10/2013
Sur le calque, je suis attirée par le fait que les poches se superposent. Et je me demande: « qu’il y-a-t-il dans ces poches? »
La réponse m’apparaîtra comme une évidence une semaine plus tard.
le 23/10/2013
Pour le couple de voyous, je reprends les couleurs de « les simplets » de 1998 : noir et blanc sur fond noir et rouge.
le 25/10/2013
Je réalise ce croquis « Le coup du couteau sur le cou »…
…et la main au couteau me rappelle une main au couteau que j’avais peinte en 2012 et modestement emprunté à la représentation d’Abraham par Caravage dans « le sacrifice d’Isaac ».
J’avais déjà évoqué un couteau sur un cou dans un photomontage en 2001,que je transforme au point de faire disparaître la lame sur le cou devenu bleu comme la peur.
Je n’avais alors pas conscience du rapport entre ce photomontage et l’agression décrite dans cet essai, ni d’ailleurs dans ma série de « pointes domptées » en métal de 2003.
Et je pense au couteau entre les deux yeux dans la série « les règles de l’art » de 1998.
Dans cette série, je constate le rapport entre le couteau et les règles.
Et je vois une similitude entre la sculpture « les règles » et la sculpture « Niobide blessée » utilisée pour le tableau rouge et noir précité.
J’avais choisi cette image parce qu’elle m’évoquait la trahison. A présent, elle m’évoque également la perte d’enfants.
Grace à la réflexion d’une visiteuse lors d’un vernissage en 98: « ça ressemble plus à une hémorragie qu’à des règles », j’ai repensé que ma mère m’avait raconté ses nombreux self-avortements avec des aiguilles à tricoter, et les hémorragies qui s’en suivaient. Elle m’a dit que ces manipulations fœtucides l’avaient fragilisée et fait perdre par fausse couche une paire de jumeaux qu’elle voulait garder. Je suis née de l’œuf suivant qui serait passé si ces jumeaux avaient vu le jour.
J’ai raconté cette histoire en 2008 dans « les œufs » : une paire de jumeaux restés dans l’œuf à droite, et à gauche, les 3 placentas, les jumeaux + la femme sur la plage, ma naissance, j’imagine .
MA MERE DANS MA TETE
Ce jour, ma mère me dit que ces avortements ont continué après ma naissance et m’assure que je n’ai pas pu en être témoin mais que j’ai pu être impressionnée par la quantité énorme de sang qu’elle perdait (abusant de l’aspirine contre ses migraines) chaque mois, car les serviettes périodiques jetables n’existaient pas et j’assistais au lavage des couches imbibées de rouge.
J’ai eu de très fortes douleurs menstruelles, des kystes sur et dans les ovaires, et perdu très peu de sang et très tard, 15 ans. Je n’ai aucun souvenir du premier jour de mes règles, mais je me souviens qu’au lycée, lorsque j’avais mes règles, je me mettais au fond de la classe car je sentais ou croyais sentir mauvais. Une odeur de cadavre. Fort heureusement, ça ne durait qu’un jour ou deux.
Le fait de réaliser ce tableau « ma mère dans ma tête » n’a pas stoppé mes douleurs liées aux menstruations, c’est d’avoir un enfant qui a stoppé ces douleurs.
Cette histoire de sang qui coule apparaît déjà dans un de mes premiers tableaux (pas daté, peut-être 1977 ou 80), transformé en luminaire bien nommé par un ami : « 1/4 d’heure avant la ménopause » en 2003.
Cette adaptation tardive confirme le rapport entre le couteau et les règles.
le 26/10/2013
Je reviens à nos moutons et je restaure « homo neanderthalensis », je refais l’enduit au sable de la demi-sphère me symbolisant dans cette circonstance, et par mégarde, j’arrache une petite boule de polystyrène sur le rectangle noir représentant Charlie à Saint Raphaël en 1973. Zut! J’essaie de la recoller mais j’emploie une colle dissolvant le polystyrène. Rezut! J’hésite à arracher la deuxième petite boule!
J’ai une bonne photo de la version avec boules, je me permets donc de couper cette boule. Je ne sais qu’en faire. Je la laisse sur la table de la cuisine, je vais l’oublier et Eole fera le reste.
Entre cette version abstraite et l’antérieur croquis « SONID »,
le pénis noir a disparu et le blanc a fortement diminué.
le 29/10/2013
J’ai ma réponse : « un couteau »
le 27/11/2013
En 1978, enceinté par un adorable suédois brun, j’ai décidé d’avorter, la loi qui l’autorisait en France était récente (75) et j’ai un souvenir très serein de ce moment, tout le corps médical était joyeux. J’ai eu plus tard un enfant que je désirais vraiment. J’espère que cette loi ne sera jamais remise en question.
Quant au viol, je n’ai pas le souvenir d’avoir souffert physiquement, mais j’ai eu terriblement peur.